se nourrir sans estomac

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MON HISTOIRE


De l'annonce de mon cancer à aujourd'hui...

CHAPITRES :


1. Chronique d’un cancer annoncé

2. La réalimentation

3. Retour à la maison

4. Objectif : Manger normalement

5. L'épreuve chimio

6. Rémission

7. Un an plus tard... 


 

1. Chronique d’un cancer annoncé

Jeudi  24 novembre 2013, 9h30…

« Bon, je n’ai pas de bonnes nouvelles. Nous sommes en présence d’une grosse tumeur… »

Le professeur M. était venu dans ma chambre d’hôpital m’annoncer personnellement ce cancer de l’estomac  dont je souffrais. J’en entendais parler depuis 2 mois mais on ne parvenait pas à le prouver.

Il aura fallu cette cœlioscopie exploratrice pour enfin avoir un diagnostique : un adénocarcinome à cellules indépendantes pour être précis.

Le professeur M. était au bout de mon lit et m’expliquait la procédure, le traitement, les examens…etc…

Moi, allongée, j’étais pétrifiée et un long frisson glacé m’avait parcouru le dos.

Je n’avais retenu que 2 mots : GASTRECTOMIE TOTALE et CHIMIOTHERAPIE.

Mais comment peut-on se nourrir et vivre sans estomac ????

-« Nous allons vers une guérison. Il va falloir se battre. me dit-il enfin. Vous avez des questions ? »

Non pas de question. Elles viendront au fur et à mesure. En cet instant  je « digérais » la nouvelle.

MAIS PENDANT LES MOIS QUI ONT SUIVI, JE ME SUIS ACCROCHEE A CETTE PHRASE :

« NOUS ALLONS VERS LA GUERISON.»

ELLE M’A  ACCOMPAGNEE A CHAQUE INSTANT DE MON ANNEE DE TRAITEMENTS.

Etrangement j’étais apaisée. Enfin on avait mis un nom sur  ce qui me faisait souffrir depuis maintenant six mois et même peut-être plus si j’y réfléchis bien.

Ce jour là j’étais dans cette chambre et j’y étais bien. Je ne voulais même plus sortir. Car enfin on allait s’occuper de mon mal. On allait me soigner.

Quand on m’a dit, trois jours plus tard, que je pouvais rentrer chez moi en attendant la prochaine hospitalisation, j’ai eu beaucoup  de difficultés à faire ma valise. Je ne voulais pas quitter ceux qui me soignaient.

La seconde difficulté a été aussi d’annoncer mon cancer à ma famille et surtout à mes deux filles. J’avais  préparé les choses en demandant aux personnes qui les entouraient pendant mon hospitalisation d’être présents pendant l’annonce. Il faut être simple et direct. Le Pr M. m’avait recommandé de ne rien cacher. Ma mère avait déjà compris lorsqu’elle a su qu’on m’avait implanté le fameux PAC.

Je me demandais bien aussi pourquoi j’avais si mal dans l’épaule droite et me retrouvais avec un énorme pansement, alors qu’on devait seulement explorer mon ventre…

Enfin, cette annonce a eu l’effet d’un tsunami de mes plus proches à mes plus lointaines connaissances…

Moment très dur et déchirant…

Heureusement mon compagnon de vie, qui m’avait courageusement accompagnée tout au long des examens successifs, insista et m’organisa un petit week-end « remonte moral ». Merci Philippe… Les points de sutures ont bien failli craquer en regardant ce film très drôle au cinéma…

 

Avril 2013…

Tout avait commencé quelques mois auparavant. Après chaque repas, ça gargouillait pas mal et entre les repas j’avais des douleurs dans l’estomac. J’étais également très fatiguée.

Au bout de quelques semaines d’automédication, je décidais d’aller consulter mon médecin qui me dirigea vers un gastroentérologue. Celui-ci  opta pour le traitement d’un ulcère. Mais un mois plus tard, les douleurs étaient toujours présentes voire plus intenses. Et surtout elles me réveillaient chaque nuit. Nous décidions alors de faire plus d’investigations.

 

Samedi 22 juin 2013…

Le premier examen consista en un scanner de tout l’abdomen. Les hypothèses partaient dans tous les sens : ulcère à l’estomac, kyste à l’ovaire, crise d’appendicite…

Résultat : rien d’autre qu’un petit problème à l’ovaire qui se répercutait sur les intestins.

Les vacances arrivaient et je décidais de ne pas chercher plus loin. Je pensais que mon mal était sûrement dû à la fatigue de la fin de l’année (je suis professeur des écoles) et ça devrait se passer avec un bon repos.

Mais quelques semaines plus tard, j’étais toujours aussi épuisée et mes nuits s’étaient transformées en cauchemar. Réveillée par de terribles douleurs à l’estomac, le seul moyen de les calmer était de manger ! Je me levais donc chaque nuit pour grignoter des biscuits en attendant que les crampes se calment. Car les IPP ne me faisaient aucun effet.  Je n’étais alors pas très « fraîche » le matin et ne me voyais pas du tout reprendre le travail dans cet état.

 

Vendredi 28 août 2013…

D’urgence, je retournais consulter le gastroentérologue : « Ça ne va pas du tout, il y a vraiment un problème. » lui ai-je dit.

S’en est suivi alors une liste d’examens qui n’en finissaient plus. Ça a été infernal car on ne trouvait rien. Le médecin était bien intrigué.

En  un mois et demi, j’ai subi cinq fibroscopies et endoscopies pour divers prélèvements sans compter les autres examens du type Tepscan, scanner... Le médecin était persuadé que mon estomac n’avait pas un aspect normal et qu’il fallait agir rapidement. C’est après la première fibroscopie qu’il a prononcé des mots comme « cancer » et  « gastrectomie ». Il en avait l’intime conviction mais les résultats des biopsies  revenaient toujours négatifs du laboratoire. C’était très intrigant. Et je préfère taire les moments d’angoisse qui ont ponctué ces deux mois de recherche. Entre deux examens, c’était une alternance d’ « espoir » et  d’ «angoisse » … Et j’ai eu le temps d’intégrer le fait que j’allais devoir vivre sans estomac puisqu’après chaque examen, les médecins me répétaient « Il va falloir opérer. »

C’est dans cette période que dans ma tête j’ai quitté la planète Terre pour rejoindre la planète « Cancer », à des millions de kilomètres de mes amis, mes collègues, mes voisins, des humains… Je les voyais tous courir dans tous les sens et s’énerver pour la moindre bricole. Moi, ma vie s’était arrêtée  et je les observais de ma planète loin, loin, loin, … Je me souviens parfaitement de ce décrochage de ma vie courante. Il ne me sembla plus primordial de se contrarier et de se dépêcher pour la moindre chose. Le fait de VIVRE lui-même était bien plus important !

 

Octobre 2013…

Alors lorsque le diagnostique final est tombé : cela ne m’a pas étonnée.

C’est la façon dont je l’ai appris qui n’a pas été évidente à « avaler »… Après un ultime scanner, cette fois-ci bien ciblé, le radiologue est venu et m’a invité à le rejoindre dans un coin de cabine.Et là, debout, entre deux portes, il m’a simplement dit « Ça ressemble à une linite gastrique… au revoir. » Ah bon… une linite gastrique, qu’est-ce donc ? Le nom ne me semblait pas si dangereux que ça… D’autant plus que c’était le seul examen que je faisais non-accompagnée. Je n’ai pas posé plus de question car le ton sur lequel cela m’avait été annoncé ne m’avait pas semblé alarmant. Je rentrais donc chez moi avec mes clichés et m’installa devant mon ordinateur pour en savoir plus. Euh… c’est bien la seule chose à ne strictement pas faire pour comprendre ce qui vous arrive en matière médicale… Une linite gastrique est le cancer le plus rare et le plus invasif qu’il soit et seulement 20% des malades en réchappent. Les médecins n’en sont qu’au stade de la recherche et des essais… Enfin c’est le résumé de ce que j’ai compris de mes lectures.

Glups…  « Allô Philippe, j’me sens pas très bien, tu peux venir ???? »

Depuis le début, il a toujours été là… attentif, doux, calme, investi, rassurant… Waouh…

Il est même venu choisir les perruques avec moi…

 

Mardi 5 novembre 2013…

Après toutes ces investigations, l’opération a très vite été programmée. Je ne raconterai pas les détails mais tout s’est bien passé. J’ai été très bien soignée… sauf un détail… la réalimentation.

 

2. La réalimentation

Bien sûr, pendant une semaine, on ne mange pas. Il faut laisser le temps de la cicatrisation intérieure. On est nourri par perfusion. Mais au bout de huit jours, on nous propose de remanger par la voie orale. J’avoue, c’est un peu perturbant.

Lorsqu’on a posé mon plateau petit déjeuner devant moi, je ne savais pas par quoi commencer. J’avais, comme tout le monde : un thé, des sucres, des biscottes, du beurre, de la confiture et un jus de pomme. J’étais très angoissée de mettre quelque chose dans ma bouche et de l’avaler. Qu’allais-je ressentir au moment de la déglutition et après?

J’ai  timidement grignoté une biscotte avec de la confiture et bu quelques gorgées de thé sucré.

Le plateau suivant, le déjeuner, se composait de pâtes et de jambon, normal, on mange très simple au début. Il y avait également un yaourt aux fruits, un flan et quelques biscuits pour le dessert ou le goûter… Enthousiaste d’essayer mon « nouvel appareil digestif », je mangeais un peu de mon plat et du flan. J’avais lu, comme tout le monde, quelques bons conseils  sur l’alimentation après une gastrectomie sur internet. J’avais bien retenu qu’il fallait mâcher très longuement chaque bouchée afin de remplacer  le travail de brassage de l’estomac. Conseil que je suivis consciencieusement. Parce qu’il faut bien le dire, PERSONNE ne m’a conseillée à l’hôpital. On me servait mes plateaux en me souhaitant à peine bon appétit et en me laissant SEULE devant toutes mes questions.  Les infirmières me disaient simplement « Mangez ce que vous pouvez. ». Alors j’ai fait ce qu’il me semblait essentiel : bien mâcher, rester semi-allongée, ne pas boire en mangeant …etc… Evidemment, j’ai ressenti quelques douleurs en avalant les aliments. Il faut bien que les intestins s’habituent à recevoir directement ceux-ci sans qu’ils  passent par la case « estomac ». Ils se contractent aux premiers contacts et puis ça se passe. C’est là qu’il faut être gentil avec son corps. Je ne me suis pas forcée pour manger. Il faut laisser faire le temps et être patient. TRES PATIENT.

Les quelques bouchées que j’avais déjà avalées étaient bien passées. Pour moi,  c’était une petite victoire. Je pensais que tout allait se passer ainsi. Ça ne me semblait pas si compliqué.  Alors après la petite sieste, je décidais de prendre mon petit goûter… le yaourt aux fruits… hum… quelques cuillerées… mais 10 minutes après, j’ai commencé à avoir des bouffées de chaleur, je transpirais, les murs tournaient, une grosse angoisse m’envahit. C’est à ce moment précis que l’interne est venu avec sa  ribambelle d’étudiants, comme chaque jour. J’étais trop mal pour lui tenir la conversation. Je ne comprenais pas du tout ce qu’il m’arrivait. Il a donc appelé l’infirmière qui m’a aussitôt piqué le bout de doigt pour évaluer ma glycémie. Oh là là, le taux de sucre avait grimpé d’un seul coup. Je faisais un « dumping syndrome ». Le FAMEUX « dumping syndrome ». Il ne dure pas longtemps mais qu’est-ce que c’est désagréable !!!

Mais pourquoi avais-je eu ce malaise à ce moment là ? Aucune réponse…

J’ai du attendre la veille de ma sortie d’hôpital pour enfin avoir la visite de la nutritionniste… Lorsqu’elle est entrée dans ma chambre, elle a observé mon plateau et s’est exclamée « Vous avez mangé ça ??? ». Je lui ai répondu « J’ai mangé ce qu’on m’a donné ! »

Les plateaux repas étaient constitués à 50% d’aliments qui m’étaient déconseillés et on ne m’avait rien dit. Et de quoi on a envie lorsqu’on a été privé de manger pendant 10 jours ? DE SUCRE !!! On se jette dessus pour se réconforter et puis youhhh… Dumping !!! Même mes encas étaient des yaourts, des compotes et des biscuits sucrés. Les plateaux repas n’étaient pas du tout adaptés à mon cas. Pourquoi ???

J’aurais bien apprécié quelques explications par une nutritionniste à l’hôpital lorsqu’on a commencé à envisager l’opération. Faire des groupes de paroles et d’informations, une prise en charge et un suivi avant même que l’on commence à se réalimenter… Des petites paroles gentilles et rassurantes quoi… et des repas en adéquation avec mon régime alimentaire pendant l’hospitalisation. On le fait bien pour les personnes qui subissent une sleeve ou un bypass.

Pr M., si vous me lisez un jour, merci de faire quelque chose… Plus pour moi, je me suis débrouillée. Mais pour les prochains malades.

Petit à petit on m’a enlevé tout ce qui me raccrochait au pied à sérum. La sonde « pipi », la perfusion « machin », le drain « bidule »… on ne m’a laissé que la sonde jéjunostomie qui m’alimentera jusqu’à la fin de mon traitement de chimiothérapie.

Les aides soignantes m’ont donc expliqué son fonctionnement, son utilisation et son entretien car, arrivée à la maison, il faudra me débrouiller toute seule. (voir aussi « Trucs et astuces »).  J’avoue avoir toujours regardé  avec stupeur ce bout de tuyau accroché à ma peau, traversant ma paroi abdominale, directement introduit dans mon intestin et simplement fermé par un bouchon… Mais bon ça m’a sauvé pendant la chimio…

 

3. Retour à la maison

Jeudi 14 novembre 2013… 7h25…

« Bonjour Mme D. , Comment allez-vous ce matin ? »

C’était l’interne de service qui venait, comme chaque matin, faire un petit check-up et m’expliquer le programme de la journée.

« Demain matin, vous rentrez chez vous ! »

Ah…

C’est fou ce qui peut nous passer par la tête en 2 secondes… Et je fais comment ? … Je ne sais marcher que 5 m, et encore, pliée en deux… Je n’ai rien d’adapté dans mon frigo. Pire, il est vide… J’ai besoin d’une infirmière pour mes piqûres et pansements quotidiens… Ma chambre et ma salle de bain sont à l’étage… Tout le monde travaille à cette heure là, qui viendra me chercher ? … Je n’ai même pas de vêtements et de chaussures…

La panique m’a envahie, mais ça ne changeait rien au programme. Vendredi midi, je devais libérer la chambre.

En un rien de temps mon lit s’est transformé en véritable QG. Les infirmières m’ont fait les derniers soins et donné quelques conseils, les internes m’ont bien fait comprendre que ma place n’était plus ici. L’assistante sociale m’a dit que j’étais trop jeune pour avoir une assistance à la maison ou terminer ma convalescence dans une maison spécialisée. La diététicienne m’a (enfin !) expliqué ce que je devais manger. Le psychologue m’a posé quelques questions pour évaluer mon moral. Pas terrible d’ailleurs… La bibliothécaire a récupéré les revues qu’elle m’avait prêtées (même pas lues !)… l’aumônière m’a dit quelques paroles réconfortantes… L’aide-soignante m’a changé la poche de nutrition… Au milieu de tout ça, j’ai appelé mon infirmière (pour les soins), mon médecin (pour les ordonnances), Philippe (pour me ramener au moins des chaussures), Blandine (pour m’attendre chez moi avec une bricole à manger), Isabelle (pour m’installer un lit en bas)… Une ambulance (pour rentrer dans de bonnes conditions)…

Quelle journée ! Le personnel de l’hôpital n’a même pas eu le temps de refaire mon lit !

Le plus difficile a été de me déplacer jusqu’au secrétariat pour récupérer mon bon de sortie. Le couloir m’a paru interminable. Mais il fallait maintenant que ma vie reprenne un cours « normal ». Remanger, remarcher, me débrouiller toute seule.

Vendredi 15 novembre 2013… midi…

J’étais rentrée chez moi.

Une heure plus tard, J.C. , un diététicien spécialisé, venait m’apporter tout le nécessaire pour la nutrition entérale et m’apprenait à la brancher.

« Allô, maman, tu viens boire un café ? Je suis à la maison… »

 

Les jours suivants…

Peu glorieux. J’ai fait ce que j’ai pu.

La moindre chose à faire me prenait des heures.

Je ne savais pas quoi manger.

Je dormais beaucoup pour récupérer.

Je pleurais beaucoup pour évacuer.

Je me traînais jusqu’à la salle de bain.

Mais il fallait MANGER car mon poids chutait de façon vertigineuse. J’avais déjà perdu 6 kilos en 15 jours.

Je devais brancher ma nutrition entérale dans la journée car je n’avais pas le droit de le faire la nuit à cause de la position allongée et du reflux que cela pouvait occasionner. « Trop risqué », m’avait-on dit.

Mais le fait de manger oralement et par la sonde en même temps ne me convenait pas du tout. Il y avait un blocage. On m’a conseillé de la brancher entre les repas et de la débrancher lorsque je mangeais. Mais comme je grignotais un petit truc toutes les heures, cela devenait un passe-passe incessant entre manger-entérale-manger-entérale-manger… INGERABLE !!! 

En plus, le temps d’habituer les intestins à recevoir directement les aliments et à faire leur « nouveau boulot », le moindre aliment me donnait la nausée et la plupart du temps repassait et finissait au fond de la cuvette ! Je faisais également beaucoup de Dumping syndromes. Même avec des coquillettes !

 

4. Objectif : Manger normalement

Deux semaines après ma réalimentation, je décidais de prendre les choses en main. Je me sentais vraiment trop mal. Il me fallait de l’aide.

Mes objectifs étaient alors : stopper les nausées et l’amaigrissement  - favoriser l’alimentation par la bouche – augmenter petit à petit le volume des repas.

Alors, je suis allée consulter une nutritionniste qui m’a donné de précieux conseils et proposé un parcours personnalisé :

-          Les aliments conseillés et déconseillés dans un premiers temps

-          Le nombre de calories pour la journée : 2000 !

-          Un menu type pour la journée

-          Des conseils pour enrichir chaque plat

-          La composition idéale de chaque repas et collation

Enfin de vrais conseils et un suivi !!! C’était rassurant.

Le rythme de l’alimentation de la journée consiste à prendre un repas ou une collation de volume presqu’égal toutes les deux/trois  heures. Chacun doit être composé de FECULENT, de PROTEINES et d’ENRICHISSEMENT.

Voici le rythme que je m’étais imposée dans un premier temps, étant donné qu’au début je n’ingérais que des petites quantités d’aliments.

-          8h : petit déjeuner

-          10h : collation

-          12h : repas

-          14h : collation

-          17h : goûter

-          19h : collation

-          21h : repas

-          23h : collation

Je mangeais comme un « moineau » !

En suivant ce rythme, mon corps s’est habitué à s’alimenter régulièrement et en petite quantité. Tout allait très bien. Pas de dumping syndrome et très peu de nausées. Je mangeais peu et  très lentement. Très vite, tout mon organisme s’est mis à « réclamer » de la nourriture et de plus en plus et mon poids s’était stabilisé. Youpi !

Ensuite, je devais trouver une solution pour améliorer ma qualité de vie et de mes aliments.

J’ai donc décortiqué chaque rayon des grandes surfaces pour avoir un large panel de produits et rechercher les mieux adaptés. Travail de Titan.

-          Pour les encas : j’ai cherché les biscuits les moins sucrés. Je m’autorisais jusqu’à 25% de sucre. Donc j’ai trouvé les biscuits sans sucre dans les rayons diététiques et bio et les biscuits peu sucrés genre petit- beurre ou madeleine dans les rayons ordinaires. Je pense avoir lu toutes les compositions sur les emballages !

-          Pour les boissons : Que boire à part de l’eau et des tisanes ? Car il était hors de question de boire des jus de fruits, du gazeux ou des boissons sucrées.  J’ai trouvé une boisson qui m’a bien convenu : le cranberry sans sucre. Pourquoi ? parce que c’est un peu amer et cela provoque une surproduction de  salive. Salive, indispensable à la digestion, associée à un bon masticage remplaçaient le travail de l’estomac. Comment ? dilué dans de l’eau car c’est fort et agressif. D’autres boissons sans sucre possibles: ice-tea ou oasis zéro.

-          Pour les repas : Je me suis mise à la cuisine maison. Cela me semblait une évidence. Il fallait utiliser les aliments de la liste conseillée.  (Voir mes conseils et astuces,  mes recettes et la liste des aliments conseillés)

 

Alors voici un exemple de la composition de mes premiers repas :

-          8h : petit déjeuner : un thé (je n’aime pas le café !) / 1 puis 2 biscottes / du beurre / un petit fromage

-          10h : collation : 50g de soupe maison avec les légumes conseillés / vermicelle ou tapioca

-          12h : repas : gratin savoyard

-          14h : collation : 1 ou 2 petits suisses

-          17h : goûter : 1 ou 2 biscottes /beurre ou  fromage

-          19h : collation : quelques pâtes bien cuites / gruyère râpé

-          21h : repas : purée / jambon

-          23h : collation : gâteau de riz

Plats soulignés : voir mes recettes .

 

On pourrait être surpris du choix des aliments à 10h du matin… Mais ce n’est pas simple de trouver des idées différentes  pour  8 repas par jour et ne pas toujours faire des encas « sucrés ». J’ai temporairement oublié les dictats du rythme alimentaire français. Ce n’était pas le but pour l’instant et si on veut éviter de manger sans arrêt des biscottes, on change les habitudes.

J’ai gardé ce rythme pendant 3 semaines et sans relâche. Je ne pouvais pas faire autrement car plus je mangeais plus mon corps s’habituait et demandait à être nourri. Il m’arrivait même de me réveiller à 3h du matin tellement j’avais faim ! J’avalais alors 2 biscottes à moitié endormie pour calmer cette famine et j’en avais toujours un paquet sur ma table de nuit !

C’était très excitant, encourageant, mais extrêmement  astreignant… Forcément : je mangeais pendant 30 mn, je digérais pendant 30 mn et Il me restait 1h pour penser et préparer le repas suivant. Entre temps, je dormais un peu aussi… Un vrai bébé !

Je n’ai pensé qu’à me nourrir pendant un mois. Je me levais chaque jour avec cet objectif en tête. C’était mon traitement. Et le résultat était là !!! Poids stabilisé et même en hausse.

Je n’ai pratiquement  pas mangé de légumes et de fruits car je voulais éviter les diarrhées. J’ai essayé parfois  les pommes en compotes mais cela m’a provoqué des vomissements. Alors je n’ai mangé que ce que je réussissais à digérer correctement sans désagrément. Car même le pain me donnait la nausée. Je n’ai introduit aucun nouvel aliment pendant cette période de réadaptation. Je répartissais toujours les mêmes aliments  ( pommes de terre, riz, pâtes, biscottes… ) sur la journée en changeant le sens et en les accommodant différemment.

Avec le temps, les quantités dans les repas ont augmenté. Ce qui m’a permis de les espacer  et de bien dormir.

Je pouvais également prévoir des petites activités entre deux car je me suis organisée pour la préparation des menus ( voir  «  Mes conseils et astuces»).

Les repas étaient répartis ainsi :

-          8h : petit déjeuner : thé / 2 biscottes / beurre / fromage

-          11h : collation : œuf à la coque / 1 biscotte

-          13h : repas : endive au gratin / pomme de terre

-          15h : goûter : crème express / 2 scones sans sucre

-          19h : collation : cake salé

-          21h : repas : blé au poulet

-          23h : collation : gâteau de riz (ça tient au corps pour la nuit !)

-          Nuit complète !

Plats soulignés : voir mes recettes.

 

Au bout de deux mois, le rythme étant régulier et la quantité de chaque repas suffisant, je pouvais enfin me permettre de rajouter des aliments nouveaux.

Ex : le pain. Mais que c’est bon une tartine ! Même grillée.

J’étais dans une période où je re-goûtais beaucoup de petites choses et c’était un vrai bonheur.

Voici comment je procédais : c’est à la fin des 3 repas principaux que j’essayais un nouvel aliment. Une fois que j’avais mangé je ne prenais qu’une bouchée ou un petit morceau pour me rappeler le goût ou voir si ça ne me dégoûtais pas en bouche. Si les papilles étaient émoustillées et que les intestins acceptaient la nouveauté sans me le faire comprendre,  je continuais le lendemain en augmentant progressivement la quantité.

Ainsi j’ai pu rajouter : une ½ banane, un crumble de poire, des biscuits genre petit beurre, une crêpe avec du sirop d’agave !

Franchement, j’avais l’impression de manger plus que les autres personnes qui m’entouraient et … sans complexe ! C’est peut être l’avantage de cette maladie. Parce qu’il faut toujours voir le bon côté des choses ! Etre gourmand sans risquer de prendre du poids. J’ai même mes 5 fruits et légumes par jour maintenant !

Evidemment il ne faut pas avoir peur de manger des œufs, de la crème fraîche, des fromages, des yaourts à 30 ou 40% de MG. D’ailleurs c’est un des principes de cette nouvelle alimentation : l’enrichissement de chaque plat. Il faut ajouter un de ces ingrédients dans chaque recette. Dans mes recettes, j’ai mis en évidence cet enrichissement.

Autant je faisais attention avant en mangeant beaucoup de légumes et des produits à 0% de MG, Autant maintenant, plus c’est riche et ça tient au corps mieux c’est !

Il faut juste s’habituer au goût dans la bouche et avoir la main légère si on n’est pas habitué. Car pour ma part certains aliments dont je me nourrissais pendant le premier mois ne passent plus. J’en suis écœurée. Par exemple les petits suisses. Plus moyen d’en manger un. Mais ce n’est pas grave. J’essaierai plus tard. J’ai confiance. Et puis je mange assez de laitages sous d’autres formes pour le moment et je préfère manger des aliments plus solides. Ça me réussit bien.

Il n’y a pas de règles pour s’alimenter après une gastrectomie. Juste quelques conseils et un peu de bon sens. Je les ai listés et commentés dans ma rubrique « Trucs et astuces ».

Personnellement, pendant les 2 premiers mois qui ont suivi  mon opération et encore longtemps (un an au moins), je m’en suis tenue à la liste des aliments conseillés et je les exploitais sous toutes leurs formes en adaptant ou créant des recettes que j’enrichissais. Je ne voulais pas tout gâcher. 

 

Après ce long travail, voici donc ce que je pouvais manger dans une journée. Et je pensais atteindre largement mes calories nécessaires.

-          8h/9h : petit déjeuner : thé / 2 tranches de pain blanc grillées / beurre / fromage genre kiri / une petite ou ½ banane

-          11h : collation : 1 jus oasis 0% sucre / 1 tranche de mimolette / 2 tranches de cake salé

-          13h : repas : 1 enroulé de veau aux champignons / du riz (100g) / 2 biscuits (petit beurre)

-          15h : goûter : 1 ice tea 0% sucre /  1 crème lactée (genre Yopa) / 1 pancake aux pommes

-          18h : collation : 1 biscotte / une portion de  flan de légumes

-          20h : repas : spaghetti carbonara / 2 biscuits sablés des Flandres

-          22h : collation : gâteau de riz (Encore. Pour tenir la nuit !) 

Plats soulignés : voir mes recettes .

 

Tout le monde trouvait que j’avais bonne mine. Forcément, je ne mangeais que des bonnes choses et tout était fait maison.

Entre les repas plus espacés, j’avais le temps de faire des choses pour moi. Une petite marche ou une séance de kiné pour me remuscler. Un peu de sport, quel bien être ! Ou une petite promenade dans les boutiques.

 

Mais j’allais maintenant être confrontée à une nouvelle épreuve : LA CHIMIOTHERAPIE…

 

5. L'épreuve chimio

 

Début : 21 Janvier 2014 – Fin : 8 juin 2014

 

 

Je demandais souvent à mes « soignants » ce qui se passait pendant la chimio. On me répondait toujours évasivement : « Vous verrez bien, ça dépend des personnes. »

Quel grand mystère entoure cette période !  On ne parle pas de la chimio… C’est TABOU.

Je voyais aussi des collègues atteintes d’un cancer, qui étaient en plein traitement chimiothérapique, se portaient plutôt pas mal à part le foulard qu’elles portaient sur la tête.

On ne peut comprendre la chimio que lorsqu’on l’a vécue ou côtoyée chez un proche en traitement. Autrement, ça fait peur et on ne sait pas quoi dire. Dorénavant, j’aurai les mots qui conviennent.

 

Je suis donc allée à la première séance avec beaucoup d’appréhension. Comment allai-je réagir moi-même?

 

 Ça commençait déjà assez mal car on m’annonçait que mes séances de chimio dureraient 7 heures. 7 heures !!! J’arrivais la première pour faire l’ouverture du service et repartais la dernière pour la fermeture. La plus longue chimio. Je devais subir cette journée toutes les 3 semaines si tout allait bien. C'est-à-dire si mes plaquettes et les polyneutrophiles étaient suffisants pour éviter l’aplasie. Et lorsque je rentrais chez moi, j’avais un traitement oral chaque jour pendant 3 semaines. Chimio non-stop pour 6 mois!

 

Au début ça allait. Un peu de fatigue. Mais plus le traitement avançait, plus j’étais épuisée, amaigrie et … verte…

 

Je demandais alors à ma nutritionniste : « Pourquoi les gens ne parlent pas de leur ressenti pendant le traitement ? »

Selon sa théorie, c’est un problème de société. On vit à travers le regard des autres. Et si on montre ses faiblesses, on est dévalorisé. On se fait passer pour des perdants d’avance. « Ne rien dévoiler sur sa chimio » donne une image de personne battante. Tout le monde sait que la chimio c’est dur, que le malade se bat, mais ne sait pas exactement pourquoi.

 

Mais comment peut-on savoir qu’on se bat si on ne sait pas contre quoi on se bat ? 

D’ailleurs, « se battre » était le premier mot que l’on m’a conseillé. « Il va falloir vous battre ? »

Oui, mais comment et contre quoi ?

Maintenant je sais.

On ne s’imagine pas ce qui se passe derrière les murs d’une maison qui abrite un « Cancérien »… Et bien moi je vous le dis : C’est dur, c’est moche, c’est usant ! Et il faut avoir un moral d’acier et une équipe proche et solide pour supporter le « mal-traitement ».

 

 ON SE BAT PHYSIQUEMENT POUR RESISTER AU TRAITEMENT.

 

Je ne vais pas raconter trop précisément ce qui se passe lorsqu’on va recevoir sa « dose ».

Juste quelques brides de mon ressenti lorsque j’allais régulièrement à l’hôpital pour retrouver les habitants de ma nouvelle planète : les « Cancériens ».

 

Nous étions plusieurs par box. Les fauteuils et les lits étaient simplement séparés par un rideau. Cela fait du bien de ne pas être seule. On fait connaissance et on se parle dans notre langue : « Quel est votre cancer ? », « Comment s’est déclaré votre cancer ? », « Avez-vous subi une opération pour votre cancer ? », « Quels sont les effets secondaires de votre cancer ? », « Comment supportez-vous votre cancer ? »… Des phrases que l’on ne peut pas exprimer ailleurs. Mais cette promiscuité était gênante. Lorsque les médecins venaient faire le point avec mes voisins, je savais tout sur leurs maux. Et bien souvent, je me suis dit que mon cancer n’était rien comparé au leur. J’ai entendu des choses qui me donnaient des frissons et me rendaient très mal à l’aise.

 

Et j’ai du les mettre bien mal à l’aise aussi. Car j’étais un « cas ».  Ma maladie rare et très suivie suscitait beaucoup de visites : diététicien, oncologue, chercheur, chirurgien… Tout le monde venait rendre visite à la cancérienne opérée d’une linite gastrique !

 

Les autres cancériens me disaient souvent : « Ben vous alors, vous en avez des visites ! Vous devez être un cas.»

 

Entendre les explications médicales, les sonneries des appareils régulant les injections, les incessantes portes qui claquaient à chaque entrée ou sortie des soignants et recevoir par le PAC les liquides successifs de mon traitements étaient déjà une épreuve. Mais étant donné que je restais là pendant 7 heures, il me fallait aussi MANGER !

 

Ah là là…

 

Bien sûr je ramenais quelques encas. Mais le repas du midi était compris dans le service. Et j’avais beau demander à l’avance de me composer, dans la mesure du possible, un plateau comprenant les aliments que je pouvais manger, je me retrouvais avec le repas de « tout le monde ». Du céleri rave en entrée, un plat principal en sauce, un yaourt sucré pour le dessert et une orange pour mon goûter… Tout ce qui m’était déconseillé ! Parfois le menu comportait des pâtes. Chouette… mais je mangeais tellement lentement comme j’en avais l’habitude et la nécessité que je demandais de me réchauffer mon plat. Et bien on me répondait qu’on ne pouvait pas. Interdit. Instruction de l’hôpital. A cause de la chaîne du froid. J’ai fini par ramener mes propres repas. Quel comble ! Ceux-là, on acceptait bien de me les réchauffer… enfin de me les exploser au micro-onde… et encore lorsque tous les autres étaient servis car je n’étais pas prioritaire. Je dérangeais le service.  Alors, je mangeais une heure après les autres. Et comme mes horaires étaient décalés, je refaisais des dumping syndromes…

 

Une fois, j’ai dû demander de me « recoudre » la sonde car un des points qui la tenaient avait lâché. Ok, pas de problème. Mais le chirurgien est arrivé à l’heure des repas. Pour ne pas contrarier les services, j’ai accepté les soins à ce moment là. On m’a donc mis mon plateau de côté pendant l’intervention. Mais lorsqu’on m’a rendu mon repas (froid !), cela faisait 5 heures que je n’avais pas mangé. J’ai donc fait un dumping syndrome avec de la semoule… Berck, je n’ai pas su manger de semoule pendant 6 mois…

 

Quelle galère… J’ai été dégoutée qu’on ne prenne pas mon handicap en considération.

 

Pr. M. et Pr. H., Si vous me lisez, il faudrait aussi faire quelque chose pour le bien être des patients atteints du même cancer que moi. 

 

Les autres Cancériens mangeaient avec appétit. Les veinards !

 

Je me souviens d’une anecdote et j’en ris maintenant avec mon amie France. Mais sur le coup nous n’avions pas ri du tout. Une Cancérienne est venue recevoir sa dose en pleine après midi. Elle n’en avait que pour deux heures. Elle venait de loin et avait un petit creux. Elle a donc pris un panini à la cafétéria. Mais comme j’avais déjà reçu mes traitements, ils commençaient déjà à faire effet… secondaire ! L’odeur s’est répandue dans toute la chambre et j’ai été prise de nausées à presque m’évanouir. Même si je pourrai remanger un panini un jour, j’en serai incapable. Ecœurée à vie ! France aussi !

 

Les nausées et le mal-être faisaient partis de mes effets secondaires lorsque je rentrais chez moi après cette journée plus qu’éprouvante.

 

Au fil des chimios, je savais à l’avance que les trois semaines qui les suivaient allaient se dérouler ainsi : une semaine au quatrième sous-sol, une semaine de remontée et une semaine à peu près normale.

 

Je n’ai pas perdu tous mes cheveux comme prévu. J’ai expérimenté le casque givrant. Sur moi, ça a fonctionné. J’ai coupé mes cheveux très courts et j’ai perdu la moitié de la masse. Pas tout… c’était déjà  ça.

 

Je n’ai pas vraiment eu d’autres effets secondaires. Les ongles qui se sont striés, les sourcils qui se sont clairsemés… Pas de choses graves.

Ah si... les odeurs... J'ai éprouvé d'immenses difficultés à supporter des odeurs, même agréables. Je m'étais achetée un parfum pour me faire plaisir et je n'ai pas pu l'utiliser.

 

Mais le plus problématique était que je n’arrivais pas à avaler quoi que ce soit. Trop nauséeuse. Je perdais à chaque fois quelques kilos la première semaine. A la fin des chimios, je pesais 44 kg… Le Pr. M. m’avait prévenue que j’allais perdre jusqu’à 10 kg. C’était fait. Tous les efforts que j’avais fournis pendant ma réalimentation étaient presqu’anéantis. Tout me donnait la nausée et j’étais incapable de me préparer des repas. J’aurais vomi dans les casseroles !

 

Je me suis nourrie presqu’exclusivement par la sonde pendant cette période. Et j’ai bravé un interdit : la brancher la nuit. J’ai dormi assise pendant 6 mois ! Calée dans une dizaine de coussins. Un calvaire… mais salvateur. De toute façon la chimio m’épuisait tellement que je dormais quand même et sans bouger.

 

(C’est très déconseillé la nuit à cause de la position allongée qui pourrait provoquer un reflux dangereux si on ne se réveillait pas…)

 

Un jour, Philippe a rencontré la nutritionniste qui lui a donné de précieux conseils bien qu’étranges, qu’il s’est empressé de me donner : « Il faut qu’elle boive du coca « débullé » pour contrer les nausées et manger des glaces Häagen-dazs, c’est très calorique ! »

 

J’ai appliqué ses conseils à la lettre et ça a marché !

 

Tous mes visiteurs étaient enfin contents de connaître ce qui me ferait plaisir comme petit cadeau lorsqu’ils venaient me voir et mon congélateur s’est rempli de cette délicieuse glace, à tous les parfums ! J’en ai tellement mangé qu’il ne faut plus m’en parler !

 

 

ON SE BAT AUSSI PSYCHOLOGIQUEMENT POUR SUPPORTER LES PAROLES TRES « DEPLACEES » (ET JE SUIS POLIE) PENDANT CETTE CHARMANTE PERIODE…

 

Voici quelques perles que j’ai entendues :

 

  • « On vous attendait hier pour commencer la chimio, on pensait même que vous ne vouliez pas venir ! » une chef de service que j’avais enfin réussi à joindre pour savoir quand allait commencer mon traitement. Personne ne m’avait prévenue !

 

  • « Ben vous ferez le tri ! » une aide-soignante qui me rapportait mon plateau repas et à qui je manifestais (trop) gentiment mon étonnement quant à sa composition.

 

  • «On va vous recoudre la sonde sans anesthésie. Ne faites pas votre chochotte. Y’en a pas pour longtemps ». Une étudiante diététicienne à qui je demandais qu’on fasse quelque chose pour moins souffrir.

 

  • « Ah bon ! je vous ai fait mal ? » une infirmière qui avait retiré brutalement l’aiguille du PAC.

 

  • « Oh, allez, les cheveux ça tombe et ça repousse… » la même infirmière. Ce n’est pas seulement la phrase, ça on s’y attend, mais c’est le ton utilisé…

 

  • « Vous pouvez retourner chez vous, vous ne ferez pas votre chimio aujourd’hui, les taux de « gnagnagna » ne sont pas bons. » l'interne qui s'est trompé en lisant mes analyses sanguines pendant que la chef de service était en vacances. Heureusement que je n’habite pas loin de l’hôpital.

 

  • « On ne peut pas vous enlever la sonde. Dans votre cas, les récidives sont fréquentes. On ne vous l’a pas dit ? » Un oncologue, que je ne connaissais pas, qui a surgi dans ma chambre lors d’une hospitalisation d’urgence à cause de ma sonde qui me faisait terriblement souffrir. On envisageait de me l'enlever.

 

  • « Tu as de la chance, tu es toujours bien coiffée avec ta perruque ! », « Encore six mois d’arrêt ? tu vas avoir du bon temps chez toi… »…. Et bien d’autres que je m'efforce d’oublier.

 

Quand à l’administration, n’en parlons pas… Mon parcours administratif me fait penser à l’un des « 12 travaux d’Astérix ! »  

 

Heureusement ma chimio a été aussi :

 

  • Ma maman qui était là à chaque fois que j’en avais besoin et Dieu sait que c’était dur de me voir parfois dans un triste état.

 

  • Ma fille Claire, qui vit avec moi et qui m’a fait à manger, m’a vu pleurer, m’a consolée, m’a fait rire, m’a cajolée, m’a changé les pansements, m’a aidée à marcher de mon fauteuil à mon lit, a branché ma sonde, s’est débrouillée toute seule pour tout et qui a réussi à avoir son BAC au milieu de tout ça… Les rôles étaient inversés à la maison, elle était devenue ma « petite maman » …

 

  • Ma fille Marine qui vit loin et qui a pris le train presque chaque week-end pour venir me soutenir, me parler, prendre le relais de sa sœur, faire n’importe quoi pour m’aider, un coup d’aspi, une course, une belle table appétissante, me racontait ses petites anecdotes pour me faire rire… Et qui surtout a obtenu son diplôme de Chargée d’affaires.

 

  • Féliss, le fiancé de Marine, qui l’a suivie et soutenue dans sa démarche à chaque fois qu’il le pouvait.

 

  • Mon compagnon Philippe qui m’a accompagnée à chaque rendez-vous de médecin, de scanner, qui a organisé l’intendance et la paperasse, qui m’a fait sortir pour me changer les idées ou restait près de moi lorsque je ne pouvais vraiment pas bouger par manque de force. Et qui m’a donné beaucoup d’amour. Il a toujours, toujours été là… et il est encore là…

 

  • Ma Sœur, qui a obtenu de son chef une mutation de 6 semaines pour être près de moi et qui est venue ensuite me voir régulièrement.

 

  • France qui m’a accompagnée aux séances de chimio qui, dans mon cas, duraient 7 heures ! Une toutes les 3 semaines quand ça allait bien. Et qui m’a soutenue quotidiennement.

 

  • Blandine qui m’a fait à manger, m’a prise dans ses bras pour calmer mes sanglots et qui s’est relayée avec Séverine pour aider ma fille à aller se changer les idées au théâtre, sa passion.

 

  • Michel et Agnès qui m’ont soutenue et ont aidé Claire dans ses études.

 

  • Annie et Françoise, mes collègues, qui m’ont rendu visite régulièrement pour me raconter les petites anecdotes du boulot et faire en sorte que j’appartenais encore à l’équipe.

 

  • Mes infirmières, qui m’ont apporté un sourire quotidien en me faisant mes pansements ou mes piqûres et prise de sang.

 

  • Les pharmaciennes qui se sont coupées en quatre pour me servir avec une extrême gentillesse.

 

  • Les infirmières (surtout Christiane!) et les internes du service du Pr M. qui m’ont accueillie sérieusement pour recoudre la sonde lorsque j’en souffrais trop.

 

  • Une nutritionniste très compétente et attentive.

 

  • Mon psy, qui est un psy pas comme les autres… Il ne restait pas silencieux à m’écouter mais m’a booster avec des paroles encourageantes. Je sortais toujours de son cabinet « gonflée à bloc ».

 

  • Aurélie, ma jeune kiné, qui comprenait lorsque j’avais seulement envie d’avoir un petit massage pour me faire du bien.

 

  • La famille, les amis, les collègues, les connaissances qui m’ont envoyé un sms, une jolie carte, un mail de soutien ou d’encouragement, dit une parole d'encouragement. Ceux qui ont pu se libérer de leurs obligations et qui m’ont rendu visite, même une heure.

 

J’ai une profonde reconnaissance pour vous tous :  MERCI   MERCI   MERCI

 

Voilà, la chimio, c’est tout ça… Une parenthèse de 6 mois dans ma vie…

Avec pour tous, un objectif commun : m’en sortir.

 

On me dit que j'ai eu beaucoup de courage pour supporter ce que j'ai subi. Moi, je ne pense pas. J'ai fait ce qu'il fallait pour me soigner. Je n'avais pas le choix. Et grâce à votre collaboration :

 

JE SUIS REDEVENUE MOI DANS UN AUTRE MOI.

 

6. Rémission

Visite de contrôle : octobre 2014.

 

C’est une séance durant laquelle le suspens est insoutenable. 

Nous sommes dans un petit cabinet d’à peine 15 m2.

Le Pr. M., un interne, un étudiant en médecine, l’infirmière, une étudiante infirmière et nous deux, Philippe et moi, en face les épaules et la tête basse. Comme dans le bureau du directeur, du temps du collège. Mais nous n’avons pas fait de bêtises.

 

La conversation s’engage : les symptômes du moment, l’évolution, quelques explications et … la lecture du scanner passé quelques jours auparavant.

De là où nous sommes, nous ne voyons rien.

Seuls, les médecins scrutent les images sur l'écran.

Ça ne dure que quelques minutes. Mais 3 minutes inteeeeeeerrrrrrrminaaaaables…..

Le temps s’est arrêté. Notre respiration aussi.

Il règne une drôle d’atmosphère pesante et un silence lourd. Même une mouche se retiendrait de voler pour ne pas troubler cet instant.

Nos yeux sont suspendus aux lèvres du médecin et nous épions la moindre micro-expression sur le visage des professionnels. Mais … ils restent placides et concentrés.

 

Soudain une parole : « Bon, le scanner est satisfaisant. Nous pouvons dire que vous êtes en rémission.»

 

Philippe et moi, nous détendons un peu. Nos cœurs font un bon. Nous reprenons notre souffle. Les visages se détendent. On plaisante ensemble même. La mouche bat joyeusement des ailes....

 

Et le PAC? ..... Cadeau pour 5 ans!

 

Et ça va être comme ça à chaque fois. Tous les 4 mois. Pendant 5 ans. Il faudra s’y faire.

 

Ma maladie est devenue mon deuxième compagnon de vie. Il faut aussi faire des concessions avec : accepter ses changements d’humeur, ses caprices, ses moments de répits et l’accompagner à chaque visite. Un compagnon que je ne peux pas quitter, il est en moi. Et pourtant, je ne l’aime pas. D’autant plus qu’il se permet bien des choses ! Il choisit lorsque je peux me promener, m’amuser quand il est en forme. Il s’invite même à table, au restaurant il choisit pour moi sur la carte… Non mais…

On forme désormais une espèce de ménage à trois.

J’ai toujours envie de dire à Philippe « Ne me laisse pas seule avec l’autre, il ne me fait pas rire ! »

 

Mais le jour où l’on m’annonce qu’il ne gagne pas de terrain sur ma volonté est, à chaque fois, le plus beau jour du reste de ma vie !

 

 

7. Un an plus tard... 

 

Conversation

Comment ça va ton Cancer?

- Ça va, ça va, ça va bien.

 

Les petits riens sont-ils prospères?
- Mon Dieu oui, merci bien.

 

Et les cheveux?
- Ça pousse.

 

Et le poids?
- Ça grimpe.

 

Et la forme?
- Ça se reforme.

 

Et le temps?
- Ça se déroule.

 

Et votre âme?
- Elle escalade.
Le printemps arrive, tout vert.
Elle mangera bientôt de la salade...

 

Adaptation du poème Conversation de Jean Tardieu,(1951). Mes élèves l'adoraient!

 

Suite en cours de publication...

 

 

 


27/01/2015
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Mon histoire

1. Chronique d’un cancer annoncé

2. La réalimentation

3. Retour à la maison

4. Objectif : Manger normalement

5. L'épreuve chimio

6. Rémission

7. Un an plus tard... 

 


27/01/2015
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